Publié sur manif-est le 7 avril 2023
Non content de détenir un nombre record d’incarcération (30 000 places créées ces 30 dernières années, plus de 72 000 détenus au total), l’État français lance un nouveau Plan Prison démesuré : 33 nouvelles prisons d’ici 2027, soit 15 000 nouvelles places supplémentaires.
A Toul, après avoir abandonné le projet de prison de 600 places à Dommartin, l’État pourrait dès cette année commencer les travaux d’une prison censée accueillir d’ici 4 ans 180 détenus dans le quartier de la Croix de Metz. Avec celles d’Arras (Pas-de-Calais) et de Donchéry (Ardennes), cette prison fait partie des 3 prisons définies par le programme InSERRE [1] : un bagne moderne où des détenus en fin de peine ou condamnés à des peines de moins de 5 ans sont enfermés sur entretien d’embauche pour trimer à bas prix moyennant l’illusion d’une réinsertion par le travail.
Le ministre de la Justice Dupont-Moretti (lui-même accusé de prise illégale d’intérêts, de conflits d’intérêts et d’omission de déclaration de plus de 300 000 euros) affirme que ces prisons-usines offriraient de meilleures conditions de détention en récompense de l’engagement professionnel des détenus. La promesse de bons traitement n’est en vérité qu’une stratégie d’asservissement des détenus à des conditions salariales dégradantes (salaire moins de la moitié du SMIC, 6 jours de congés payés par an, aucuns droits syndicaux…), profitables surtout aux entreprises auxquelles est proposée une main d’oeuvre bon marché et privée de ses droits. Tout ce qui n’est pas (encore) possible dans l’exploitation salariale conventionnelle le devient grâce à la prison !
L’enfermement est avant tout un business juteux pour les entreprises qui participent à la construction des prisons (Eiffage, Bouygues, Vinci…) et opèrent ensuite à l’intérieur dans le nettoyage, l’intendance et les ateliers (Microsoft, Safran, L’Oréal, La Redoute, Yves Rocher, Bic…). Avec le centre de détention d’Ecrouves et celui de Toul, la maison d’arrêt de Nancy-Maxéville et le centre de semi-liberté de Maxéville, le secteur pénitentiaire est ainsi déjà mis au service de l’économie et du développement territorial de la région Toul-Nancy avec un total de près de 1 400 détenus. Selon les mots d’Alde Harmant lui-même, maire de Toul, la nouvelle prison sera surtout importante pour l’investissement estimé à 35 millions d’euros et les emplois publics attendus, qui « viennent conforter le renouveau économique collectivement engagé depuis une décennie, avec et pour nos entreprises ». A bon entendeur…
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Présentée comme une institution censée protéger la société d’individus ayant enfreint la loi, prévenir les crimes par la dissuasion, accompagner les détenus dans la « rémission », la prison n’est en vérité qu’un outil d’oppression des classes dominées. A l’impunité de la classe politique et économique fait face l’explosion de la détention provisoire, des incarcérations sans jugement, sur délit de faciès et sur comparution immédiate pour délits mineurs, sans possibilité de préparer sa défense… Jamais une nouvelle prison n’a permis d’alléger la surpopulation des prisons déjà existantes : au moyen d’une inflation législative visant à criminaliser les populations les plus précaires, l’État enferme toujours aussi massivement que le nombre de nouvelles places créées le lui permet.
La prison est un lieu où sont reproduites toutes les injustices, les hiérarchies, les dominations et les violences de notre société. Elle ne résout pas plus les problèmes de sécurité qu’elle n’aide à la réinsertion car ce n’est pas son objectif, et tous les discours qui veulent nous le faire croire ne sont que de la poudre aux yeux lancée par ceux qui contrôlent la Justice et que la Justice protège.
Non à la prison-usine de Toul
Non à la réintégration par le travail
Contre la violence d’État, désintégrons toutes les prisons !
Notes
[1] « Innover par les structures expérimentales de responsabilisation et de réintégration par l’emploi »